La viande artificielle n’est pas de la viande
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production de viande conventionnelle représente une part considérable des émissions de gaz à effet de serre (18 %), de l’utilisation des sols (30 %), ainsi que de la consommation d’eau (8 %) et d’énergie mondiale. Par ailleurs, l’organisation estime que la consommation de viande devrait doubler d’ici 2050. Alors même que la production de viande est déjà proche de son maximum. Comment résoudre ce problème ?
L’une des solutions envisagées pour résoudre ce problème est la viande artificielle, aussi appelée « viande propre » par ces partisans. Cette viande soi-disant « propre » est une viande produite en laboratoire à l’aide de techniques de bio-ingénierie. Pour l’une des techniques, tout commence par l’isolement, à partir des muscles d’un animal adulte, d’un petit nombre de cellules satellites musculaires, dont la fonction est de participer au processus de régénération du muscle. Il ne s’agit pas encore de cellules musculaires, mais de cellules-souches qui sont capables de se multiplier et, sous l’influence de certains facteurs hormonaux, de se différencier en cellules musculaires.
Cultivées dans des bioréacteurs, des enceintes stériles contenant des liquides nutritifs, ces cellules satellites sont stimulées par des facteurs de croissance (essentiellement des hormones de croissance), ce qui induit leur prolifération intensive. Elles sont ensuite transformées en cellules musculaires, avant d’être mécaniquement assemblées en un tissu musculaire consommable, donc un steak artificiel.
D’après ces partisans, la viande artificielle ne présenterait que des avantages. Elle permettrait de réduire de manière drastique l’impact environnemental de la production de viande ainsi que le risque de maladies infectieuses transmises de l’animal à l’être humain. En outre, le goût de la viande cultivée serait proche de celui d’une viande conventionnelle.
Selon eux, la viande artificielle serait indispensable pour nourrir une population mondiale qui avoisinera les 9,5 milliards en 2050, tout en respectant l’animal et en préservant l’environnement.
Au-delà des effets d’annonce des start-ups, la production à grande échelle de viande artificielle soulève cependant certaines inquiétudes quant à son impact environnemental réel.
Certes, La première comparaison scientifique réalisée en 2011 entre viande conventionnelle et viande artificielle était très flatteuse pour cette dernière. Comparée à la viande conventionnelle, elle permettrait une réduction de gaz à effet de serre de 78 à 96 % et nécessiterait 7 à 45 % d’énergie et 82 à 96 % d’eau en moins.
Mais des études plus récentes suggèrent que son impact environnemental pourrait être supérieur sur le long terme à celui de l’élevage. Contrairement aux travaux précédents, ceux-ci ont pris en considération non seulement la nature des gaz émis, mais aussi le coût énergétique des infrastructures nécessaires aux cultures de ce type de viande.
Les animaux disposent d’un système immunitaire les protégeant contre les infections, notamment bactériennes. Or, ce n’est pas le cas des cellules utilisées pour la production de viande artificielle, ce qui pose de sérieux problèmes. En effet, dans un milieu riche en nutriments, les bactéries se multiplient bien plus rapidement que les cellules animales. Si l’on veut éviter d’obtenir un amas de bactéries, il est donc indispensable que les cultures soient réalisées dans des conditions de haute stérilité, afin d’éviter les contaminations.
Dans l’industrie pharmaceutique, les cultures cellulaires sont réalisées dans des « salles blanches », très contrôlées et aseptisées. La stérilité y est le plus souvent garantie par l’usage de matériel en plastique à usage unique. Ce qui réduit considérablement les risques de contamination, mais multiplie la pollution par les plastiques dont le niveau dans les écosystèmes est déjà alarmant. Certes, une partie du matériel de culture, en acier inox, est stérilisable à la vapeur et par des détergents. Mais cette opération a aussi un coût environnemental.
Pour éviter les contaminations et contrôler les conditions de culture, la viande artificielle est produite dans des bioréacteurs qui sont des cuves de cultures semblables à celles utilisées par l’industrie pharmaceutique dont on suppose que les émissions de carbone seraient 55 % plus élevées que celles de l’industrie automobile.