Publier le 17 juin 2022
Viande cellulaire : vision 2040

Année 2042, Pierre est un jeune ingénieur agronome de 26 ans. Il marche dans les locaux flambants neufs de la Frenchy FOODY, ce nouveau fleuron industriel de l’agriculture cellulaire français. Pierre est très fière d’inaugurer aujourd’hui le nouveau laboratoire P4 qui fera germer à terme environ plusieurs tonnes de tissus cellulaires par ans. Les économies d’échelles permises par cette hausse conséquente de la production, vont permettre pour la première fois cette année d’obtenir un prix de 8$ au kilo (prix inférieur à la viande rouge).

Scénario sur l’évolution du cout de la viande cellulaire Scénario sur l’évolution du cout de la viande cellulaire Source : cnbc (https://cedelft.eu/publications/tea-of-cultivated-meat/)

Transformation du paysage socio-économique français

Pour Pierre, c’est l’accomplissement de deux ans de travail acharné, mais aussi la certitude de participer à l’amélioration du bien commun de l’humanité. Pierre a donc la tête dans les étoiles et dans les cuves… Enfant de la destruction créatrice de Schumpeter, Pierre n’a pas encore réalisé la déstabilisation qu’avait French FOODY sur le territoire français.

L’ancienne filière bovine française qui comptait encore près de 400 000 personnes dans les années 2020 n’est aujourd’hui plus qu’un souvenir. En effet, les derniers résistants se partagent le marché entre 12 fermes géantes de 1000 vaches et une centaine d’éleveurs traditionnels bios. Il faut dire que le paysage a bien changé, les champs céréaliers OGM résistant à la chaleur se partagent le sol avec les méga-éoliennes de dernière génération et autres champs solaires.

Après tout, Pierre se dit que les temps changent et la dizaine de milliers d’« ingéculteurs » des villes peuvent bien remplacer le vieux modèle paysan de naguère. Le phénomène d’exode rural s’intensifie et les villes récupèrent à présent les dividendes agricoles.

Impact énergétique dans un contexte environnemental incertain

Chaleur dégagée par les différentes cultures Chaleur dégagée par les différentes cultures Source : cnbc (https://cedelft.eu/publications/tea-of-cultivated-meat/)

Le nouveau laboratoire P4 est aussi performant qu’énergivore. En effet, les études publiées dans la revue Frontiers in Sustainable Food Systems montrent que les taux d’émission de dioxyde de carbone (CO2) dégagés par l’industrie cellulaire sont au minimum a égal niveau que celui de l’élevage classique. Au cours du cycle de production à échelle industriel, la phase générant le plus de consommation en électricité à 94% concerne l’échangeur de chaleur qui fournira une charge de refroidissement au bioréacteur pour éviter sa surchauffe.

En plus de consommer, ce réacteur est très demandeur en eau. Pour contourner les nouvelles mesures de rationnement de l’eau liées à la sécheresse des années 2030, French FOOD finance des barrages sur des cours d’eau anciennement dirigés vers les terres. La sècheresse s’accentue donc drastiquement sur d’anciens territoires agricoles.

Impact sanitaire d’une cellule modifiée

En terminant l’inspection du bloc ultra sécurisé P4, Pierre se replonge dans la crise médiatique que le groupe vient de subir. En effet, French FOODY fait l’objet d’une attaque en justice de la part d’une association de malades du cancer. En effet, une centaine de personnes victimes de cancers, notamment des enfants, se sont réunies afin de prouver de l’implication du groupe dans leur pathologie.

A l’heure de la rédaction de cet article, rien ne permet de dire que la viande cellulaire serait plus nocive qu’une viande d’origine animale.

Néanmoins, des interrogations concernant les effets à long terme liés à l’ingestion de viande artificielle demeure réelle. D’une part, les cellules artificielles n’ont pas de système immunitaire à la différence d’une cellule classique. C’est-à-dire que le risque d’avoir des particules virales pouvant infecter les cellules est fort. De plus, plusieurs techniques complexes différentes sont actuellement en développement pour produire les tissues cellulaires. Dans tous les cas, le niveau d’intrants chimique devra fortement augmenter pour atteindre un niveau de productivité convenable. Ces modifications et intrants passeront notamment avec des organismes génétiquement modifiés qui ont des effets potentiellement cancérogènes.

Conclusion : Le chemin de Pierre et de son industrie est encore long mais la vision 2040 de l’agriculture cellulaire peut potentiellement ressembler au scénario proposé ici. A noter que d’autres produits seront probablement répliqués de manière artérielle telle que la viande blanche ou encore les fruits de mer au regard des efforts actuellement déployés pour y parvenir.